La résidence de recherche et création a été inaugurée à l’été 2021 avec un premier artiste invité hors les murs, Benoît-Marie Moriceau, choisi pour mener un projet de recherche sur les bunkers de la Seconde Guerre mondiale qui peuplent le grand site dunaire Gâvres-Quiberon, à proximité immédiate de l’embouchure de la ria d’Etel.

Benoît-Marie Moriceau s’est attaché à concevoir une intervention artistique, non encore réalisée, sur un bunker du nom de code « Wn Va 03 » échoué sur une plage d’Erdeven, sur le lieu-dit de la Roche Sèche. Massif, semi-immergé et caractérisé par la grande fissure qui le traverse, cet édifice revêt une dimension très sculpturale, abstraite et dramatique.

Lors de sa résidence, qui s’est déroulée de juillet à septembre 2021, l’artiste s’est appuyé sur l’imagerie virtuelle pour élaborer une série d’esquisses. Un relevé topographique associé à la photographie aérienne ont en effet permis d’appréhender le volume existant et de produire une représentation 3D.

Différents scénarios ont ensuite été imaginés, nourris par des lectures et des recherches, avec l’intention de mettre en lumière le bâti dans son état altéré, dans le respect du paysage et de son écosystème. « Le Mur de l’Atlantique demeure un sujet historique sensible, une trace douloureuse de la guerre. Mon approche artistique a consisté à alléger cette forme, la faisant doucement glisser du traumatique au poétique. »

Une première idée consistait à révéler l’armature interne du bunker par le dessin de lignes gravées dans la surface du béton. Une autre hypothèse proposait de venir carotter l’épaisseur du béton sur plusieurs points, reprenant le positionnement d’étoiles sur la carte céleste. Mais c’est une tout autre idée qu’aura retenue l’artiste : s’inspirant du Kintsugi, méthode de réparation de céramiques brisées au moyen de poudre d’or, il propose de recouvrir la grande fissure traversant le bunker à l’aide de feuilles de cuivre.

En 1941, alors que la France est occupée, l’Allemagne nazie fait réquisitionner une grande quantité de métaux non ferreux, tels que l’étain, le plomb, le nickel ou le cuivre, afin d’approvisionner ses usines d’armement. À ce titre, avec la collaboration du régime de Vichy, la population est invitée à apporter ses métaux, sous couvert de soutien à l’agriculture française, pour l’effort de guerre. L’utilisation du cuivre par l’artiste fait écho à cet épisode de notre histoire et propose, de manière symbolique, de rendre les métaux réquisitionnés à la population.

La proposition artistique de Benoît-Marie Moriceau, baptisée Inertia Dynamics, fait preuve d’une grande ténuité et s’insère tout en délicatesse dans le paysage environnant. Elle produit un effet de brillance et de préciosité contrastant avec la brutalité du béton. L’œuvre ainsi soumise aux variations climatiques, à la mer, au vent et à l’air salin serait amenée, une fois réalisée sur site, à progressivement s’oxyder et finalement disparaître.

Restitution publique et atelier de sensibilisation

Pour la restitution publique de cette résidence de création, l’artiste a présenté à la Médiathèque d’Etel, du 19 octobre au 13 novembre 2021, des planches d’essai en béton, une prise de vue aérienne du site et un modèle réduit du bunker partiellement recouvert de cuivre.

L’artiste a par ailleurs animé un atelier jeune public de pratique artistique, le 29 octobre 2021, auprès des enfants du Conseil Municipal des Jeunes de la Ville d’Etel. Il s’agissait de sensibiliser les enfants à l’art en général, et plus particulièrement au métier de plasticien et au fonctionnement d’une résidence de création. Les enfants étaient invités à se mettre dans la peau d’un artiste pour créer, à leur tour, une intervention artistique sur un modèle réduit du bunker « Wn Va 03 », objet de cette résidence de création.

Né en 1980 à Poitiers, Benoît-Marie Moriceau vit et travaille entre Paris et Campbon. Le travail de Benoît-Marie Moriceau prend des formes et des échelles particulièrement diverses. De la modification infime de l’espace d’exposition à l’intervention massive dans l’espace public, il est difficile de qualifier catégoriquement sa nature.

Ceci n’exclut en rien la cohérence qui relie les projets artistiques qu’il développe depuis une quinzaine d’années. Le point commun de ses œuvres demeure la prise en compte du contexte dans lequel elles sont présentées ou l’environnement depuis lequel elles sont visibles, de sa configuration spatiale à son histoire et ses usages. Le travail de Benoît-Marie Moriceau a donc à voir avec le site, quel que soit sa typologie. Par extension, il aborde des questions de proportion et de point de vue qui mettent en jeu l’expérience physique du visiteur autant que ses possibles lectures et interprétations. Chaque projet donne lieu à une recherche préparatoire nourrie de multiples ressources iconographiques et d’histoires relevant de différents domaines de connaissance. Ce travail d’observation et d’enquête lui permet de décliner des propositions artistiques toujours polysémiques, révélant certains aspects cachés ou déjà visibles mais auxquels on ne prête pas nécessairement attention. S’il nous amène à regarder le lieu d’une autre façon, c’est pour donner une large place au sensible et à l’imaginaire.

Depuis 2006, son travail a fait l’objet de plusieurs expositions personnelles parmi lesquelles le centre culturel Les Champs Libres à Rennes en 2018, le centre d’art contemporain le Crédac à Ivry-sur-Seine en 2014, la galerie Mélanie Rio à Nantes en 2013, la Maison radieuse Le Corbusier à Rezé en 2013, le Centre d’art contemporain Le Spot au Havre en 2009 et 40mcube à Rennes en 2007.

Ses œuvres ont régulièrement été présentées dans le cadre d’expositions collectives en France et à l’étranger dont Fieldwork Marfa au Texas (EU), Mercer Union à Toronto (CA), le Centre d’art contemporain Winzavod à Moscou (RU), le Palais de Tokyo et le Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris (FR), la Tate Modern à Londres (RU).

Depuis 2011, Benoît-Marie Moriceau dirige l’atelier Mosquito Coast Factory dans lequel sont régulièrement organisés des résidences et des projets artistiques. Anciennement intervenant à l’École européenne supérieure d’art de Bretagne (EESAB), il est vice-président de la fédération professionnelle du Pôle arts visuels des Pays de la Loire.

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