La résidence Art & Architecture 2024 au Château de la Garenne s’est déroulée aux mois de février et mars avec l’accueil de Clément Fabre, architecte maçon spécialisé dans la construction en terre crue.

Clément Fabre est lauréat du deuxième appel à candidatures lancé en octobre 2023. Le jury a été très sensible à la pertinence de son projet intitulé Tideline qui se propose d’étudier, à travers une recherche et des créations plastiques, la problématique de la montée des eaux dans la ria d’Etel et l’évolution de ce territoire entre terre et mer.

Tideline – Ligne de marée produite par la montée des eaux. Le titre en anglais énonce la dimension globale du sujet : le dérèglement climatique et le phénomène d’érosion du littoral, bien que le contexte de production artistique de la résidence adresse de manière précise le territoire d’Etel.

Etel apparaît comme un havre, une embouchure parfaite le long du littoral, un ancrage géographique puissant lié à la ria et au rythme de ses marées. À la puissance des éléments qui façonnent le paysage, répond un aménagement savant : celui des établissements humains. En émanent un équilibre inspirant, un sentiment de quiétude et une forme de réassurance – là, sous nos yeux, un écosystème symbiotique met en œuvre un pacte tacite entre les hommes et le milieu. Pourtant, en 2007, le quatrième rapport du GIEC écornait déjà l’Éden fantasmé : l’océan monte. La prise de conscience de la disparition d’une portion de notre territoire, de notre espace commun, nous laisse impuissants. C’est une réalité économique, des activités humaines, des infrastructures et des architectures qui sont menacées de disparition.

L’expression artistique se pose comme un moyen distancié, un outil de médiation et de représentation pour décrire la gravité de la situation sans pour autant produire un discours anxiogène et fataliste. C’est précisément par ce qu’elle peut produire des rencontres, susciter du questionnement, créer du beau en faisant surgir des émotions, amener du débat sans opposer de solutions, que la production artistique porte un intérêt majeur pour les problématiques globales liées au bouleversement climatique.

Cette résidence bénéficie du soutien du Département du Morbihan.

Le projet de Clément Fabre a été retenu, parmi 65 candidatures, par un jury de professionnels réuni à Etel le 20 décembre 2023 et composé de :

  • Heleen Statius-Muller, historienne de l’art et de l’architecture et Chargée de mission sensibilisation au CAUE 56 (Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et de l’Environnement du Morbihan)
  • Danièle Yvergniaux, Directrice générale de l’École Européenne Supérieure d’Art de Bretagne
  • Edgar Flauw, artiste designer et résident 2023
  • Michel Barrier, Adjoint au Maire d’Étel en charge de la culture et de la vie associative
  • Gwénaël Le Chapelain, architecte et Président du fonds de dotation MG

Clément Fabre a été accueilli au Château de la Garenne  du 5 février au 31 mars 2024 pour une résidence hivernale de recherche et création en lien avec le territoire de la Ria d’Etel. Son travail a débuté avec la découverte de ce territoire, de ses acteurs et la collecte de matériaux locaux : bambous du parc de la Garenne, spiruline de Locoal-Mendon, terres d’excavation d’Erdeven, Sainte-Hélène, Locoal-Mendon, huitres de la Ria, vase de l’estran de la rivière du Sac’h…

Le travail de recherche de Clément Fabre s’est structuré autour d’un projet pédagogique spécifique intitulé « Le littoral d’Etel : entre traces et tracés » mené avec la classe de 4ème A et une équipe d’enseignants du collège La Rivière d’Etel. Au programme : exploration du territoire, arpentage immersif, collecte de matériaux, dessins d’analyse du paysage, ateliers modelage, moulage, gravure, maquette… Ce projet d’Éducation Artistique et Culturelle (EAC) a permis aux collégiens d’observer l’évolution du paysage, de comprendre les enjeux environnementaux actuels et d’expérimenter des techniques de création artistique et de construction en terre.

Mais ce projet pédagogique a également permis à Clément Fabre de structurer et orienter ses propres recherches, tout au long de la résidence, autour de plusieurs axes de travail : création de briques de terre crue et d’enduits à base de terres locales et de coquillages concassés, fabrication de teinture à base de spiruline et de gesso à base d’huître pour la réalisation de gravures sur bois et de peintures à l’huile sur bois… L’ensemble de ces productions vise à explorer le sujet commun de l’érosion, de la ligne de montée des eaux et son impact sur le paysage et les marqueurs architecturaux du territoire.

Ce travail de recherche et de création sera présenté au grand public le samedi 6 juillet 2024, lors d’une journée Portes ouvertes au Château de la Garenne. Au programme de cette journée : visite commentée de l’atelier de Clément Fabre par ce dernier, animations jeune public, exposition de photographies, performance dansée…

Architecte et maçon spécialisé dans la construction en terre crue, c’est à travers son parcours universitaire puis ses formations sur chantier, que naît le goût de Clément Fabre pour la filiation entre architecture et questions constructives.

C’est un travail sur la matière et les gestes qui la transforment qui interroge, dans la pratique de Clément Fabre, les conditions d’émergence de la forme. Prenant la matière comme postulat contenant une forme en puissance, son travail constitue davantage un artisanat au sein duquel les opérations de transformation vont finalement donner un sens.

L’emploi de la terre crue renvoie de manière triviale à son métier de maçon piseur, qui n’a de cesse de questionner la condition humaine dans le secteur de la construction. Matière élémentaire composée de grains et d’un liant auxquels on ajoute de l’eau pour provoquer une alchimie originelle qui fait que les choses tiennent, s’empilent, s’organisent, s’assemblent mystérieusement…

Plus particulièrement, c’est ce dernier élément, l’eau, qui l’interroge de façon récurrente. Rumination soutenue autour des thèmes de l’érosion, de la pérennité des ouvrages, de la gestion et de l’entretien du patrimoine bâti ordinaire et vernaculaire, mais aussi de l’usage des ressources dans un monde bouleversé par le changement climatique et la raréfaction des matières premières.

Après plusieurs années passées au sein d’un collectif d’architectes-urbanistes, travaillant à des sujets d’aménagement participatif et de diffusion architecturale en milieu rural, Clément Fabre oriente sa pratique professionnelle vers la maçonnerie.

Il conçoit ce métier d’art comme un moyen de médiation culturelle et de transmission auprès des futurs architectes de l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Clermont-Ferrand dans laquelle il enseigne au sein de l’équipe pédagogique R.E.X, nouveau master qui interroge les réalités multiples des conditions d’exercice du métier d’architecte.

Investi dans le tissu associatif régional et local autour du développement d’un projet de valorisation de terres d’excavation, il nourrit son appétence pour les arts graphiques et collabore à plusieurs reprises avec des plasticiens dans le cadre de productions hybridant art, architecture et paysage.